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Dans son arrêt du 10 novembre 2017 (F.14.0076.F), la Cour de Cassation a estimé qu’il ne découlait pas de l’article 37 du CIR 92 que les revenus de droits d’auteur recueillis par un contribuable devaient automatiquement être qualifiés de revenus professionnels du seul fait que les droits d’auteur dont sont tirés ces revenus aient été produits par son activité professionnelle.

 

  • Exposé de la problématique

Les personnes physiques résidant en Belgique bénéficient d’un régime fiscal très favorable en ce qui concerne leurs revenus tirés de « la cession ou de la concession de droits d’auteur » (art. 17, §1er, 5° CIR 92).  Ces revenus, lorsqu’ils sont qualifiés de « revenus mobiliers », bénéficient d’une imposition distincte au taux de 15%.

Comment et dans quelle mesure les revenus de droits d’auteur sont-ils qualifiés de « revenus mobilier » ? L’article 37 du CIR 92 qualifient automatiquement de « revenus mobiliers » les revenus de droits d’auteur recueillis par un contribuable dans la mesure où ils n’excèdent pas, au cours d’une même année, 37.500 € avant indexation (soit, 59.970,00 € pour l’année 2018 – exercice d’imposition 2019).

De fait, les revenus de droits d’auteur recueillis par un contribuable dont le montant n’excède pas 59.970 € en 2018 peuvent automatiquement bénéficier de l’imposition au taux distinct de 15%.

Quid pour la partie des revenus de droits d’auteur qui ne sont pas automatiquement qualifiés de revenus mobiliers, du fait qu’ils excèdent le seuil de 37.500 € (à indexer)? Le même article 37 du CIR 92 dispose à cet égard que :

« […] les revenus […] des capitaux et biens mobiliers, sont considérés comme des revenus professionnels, lorsque ces avoirs sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus ».

Dès lors, de deux choses l’une :

  • Soit les droits d’auteur du contribuable ne sont pas « affectés à l’exercice [de son] activité professionnelle», auquel cas les revenus de droits d’auteur qui excèdent le seuil de 37.500 € (à indexer) gardent leur nature de revenus mobiliers et continuent de bénéficier de l’imposition distincte avantageuse ;
  • Soit les droits d’auteur du contribuable « sont affectés à l’exercice [de son] activité professionnelle», auquel cas les revenus de droits d’auteur qui excèdent le seuil de 37.500 € (à indexer) doivent être qualifiés de revenus professionnels et sont soumis aux taux progressifs applicables à l’impôt des personnes physiques (allant jusqu’à 50%).

Que faut-il entendre par « affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus » ? C’est à cette question que la Cour de Cassation a répondu dans son arrêt du 10 novembre 2017.

  • Décision de la Cour

En l’espèce, le pourvoi en cassation a été introduit par une contribuable titulaire des droits d’auteur sur un film dont elle avait écrit les textes et assuré la réalisation pour le compte d’une société de production dans le cadre d’un contrat de travail.

Afin de permettre à cette société d’exploiter ce film, elle a concédé une licence sur ses droits d’auteurs, en contrepartie de laquelle elle s’est vue attribuée des revenus de droits d’auteur.

L’administration fiscale, suivie en cela par la Cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 21 février 2007, a estimé que les revenus de droits d’auteur perçus par la contribuable au cours de l’année 1998 ont bien été recueillis dans le cadre de son activité professionnelle au sens de l’article 37 du CIR 92, au motif que ces droits ont été produits par son activité de réalisatrice et de scénariste.

En effet, selon la Cour d’appel, pour que des droits d’auteur soient « affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire », il suffit que ces droits proviennent d’une activité professionnelle quelconque exercée par le contribuable bénéficiaire des revenus et ce, même si cette activité ne consiste pas à gérer et/ou à exploiter les droits d’auteur concernés.

La contribuable estimait quant à elle que ces droits d’auteur n’étaient nullement affectés à l’exercice de son activité professionnelle, en ce que ce n’est pas elle mais bien la société de production qui exploitait son film dans le cadre d’une activité professionnelle.

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 10 novembre 2017, s’est rangée du côté de la contribuable, en estimant « qu’il ne suit pas de cette disposition [(article 37 du CIR 92)] que des avoirs mobiliers productifs de revenus sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable du seul fait que ces avoirs ont été produits par cette activité ».

La Cour d’appel de Bruxelles (et partant, l’administration fiscale) ne pouvait donc pas se limiter à constater que les droits d’auteur de la contribuable ont été produits par son activité professionnelle de scénariste et de réalisatrice pour qualifier les revenus de droits d’auteur y afférents de revenus professionnels : elle devait apprécier si cette contribuable exerçait parallèlement à son activité de salariée une activité d’exploitation et/ou de gestion de ses droits d’auteur, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

  • Portée de l’Arrêt de la Cour de Cassation – pas applicable aux indépendants

Concrètement, l’arrêt rendu par la Cour de Cassation revêt une portée très limitée et ne concerne, selon nous, que les travailleurs salariés qui réalisent, pour le compte de leur employeur, une création protégée par des droits d’auteur dont ils sont titulaires.

En effet, autant il est défendable d’affirmer – par exemple – qu’un informaticien salarié n’exerce pas une activité d’exploitation et/ou de gestion de ses droits patrimoniaux lorsqu’il concède une licence sur ses droits d’auteur à son employeur afin que celui-ci puisse exploiter le logiciel qu’il a créé (vu que son activité professionnelle consiste, non pas à créer des logiciels pour en tirer des bénéfices, mais à être au service de son employeur), autant il nous parait très peu défendable d’affirmer qu’un même informaticien – mais chef d’entreprise – qui est titulaire des droits d’auteur sur le logiciel qu’il a développé en qualité d’indépendant et dont il a concédé un licence d’exploitation à sa start-up afin que celle-ci puisse exploiter son logiciel, n’affecterait pas ses droits d’auteur à son activité professionnelle (il exploiterait en effet – au travers de sa société – son logiciel informatique en vue d’en tirer des bénéfices ; bénéfices rétrocédés dans son chef sous la forme de revenus de droits d’auteur, de rémunération ou encore de dividendes).

Dès lors, afin d’éviter toute discussion avec l’Administration sur le régime fiscal applicable aux revenus de droits d’auteur que vous verse votre société, nous vous conseillons de continuer à veiller autant que possible à ce que vos revenus de droits d’auteur n’excèdent pas le seuil de 37.500 € (à indexer chaque année) par an, seuil en deçà duquel ces revenus sont qualifiés automatiquement par l’effet de la loi de revenus mobiliers.

Par ailleurs, si vous êtes chef d’entreprise et que vous ne percevez pas encore de revenus de droits d’auteur alors que vous avez confié à votre entreprise l’exploitation de votre création, notre équipe STARTITUP peut vous aider à optimiser fiscalement votre rémunération de dirigeant ! N’hésitez pas à contacter Yaël Spiegl (ysp@daldewolf.com) ou Julien Colson (jco@daldewolf.com).